Les républicains espagnols entrent à nouveau dans Paris!

Mémoire de l’Exil Républicain Espagnol en France
Association pour le Souvenir de l’Exil Républicain Espagnol en France ASEREF
«Si l’écho de leur voix faiblit nous périrons» Paul Eluard
Lire l’information: http://aseref.blogspot.com.es/
Notes en marge:
Deux témoignages ci-dessous démontrant que Paris n’est toujours pas libéré…
 
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Les anarchistes espagnols circulaient plus facilement dans Paris, le 24 août 1944, que leurs descendants, le 25 août 2012.
 
            Le 24 août 1944, vers 21 h 20, les voitures blindées conduites par les Espagnols de la 2e compagnie, appelée « la Nueve » (colonne avancée de la 2e DB de Leclerc, sous le commandement du capitaine français Raymond Dronne, et majoritairement anarchistes), se déployaient en « hérisson » devant le bâtiment de l’Hôtel de Ville parisien. Le parcours et l’entrée dans la capitale avaient été assez faciles…
 
            Le 25 août 2012, vers 16 h, nous étions une bonne quinzaine de fils, petits-fils et compagnes et compagnons de libertaires espagnols à converger vers les deux plaques commémoratives de cet événement ; des drapeaux républicains espagnols (en réalité de diverses associations communistes) s’y massaient déjà… Un discours était ânonné par un homme qui lisait ses feuilles, mais seules les 30 ou 40 personnes groupées (sur une foule de 200 à 250 Français et Espagnols) autour de lui pouvaient l’entendre (il n’avait même pas obtenu de la généreuse mairie socialiste l’autorisation d’un mégaphone ou d’un micro).
            Sont arrivés cinq ou six drapeaux rouges-noirs et noirs ; des photos ont été prises, même un petit film, avant que des gorilles musclés de la police les repoussent et isolent sur le trottoir de l’avenue Victoria. Nous avons décidé de les rejoindre pour ne pas les laisser seuls avec ces gentils camarades musclés en uniforme. Nous nous sommes vite retrouvés encerclés de ces gracieux jeunes gens de la force publique, qui nous ont empêché physiquement de sortir du cercle.
            Nous avons protesté auprès des visages avenants, mais ils semblaient ne pas entendre… Quelques-uns m’ont tout de même répondu qu’ils avaient « des consignes » et attendaient la suite… Cette suite est apparue sous la forme d’un long et magnifique car de police, dans lequel les sbires en uniforme (et d’autres en civil, téléphone cloué à l’oreille) ont prétendu faire monter les dangereux maniaques de la mémoire que nous sommes.
            Pour ma part, j’ai décidé de m’asseoir sur le trottoir, en expliquant bien à l’un de ces jeunes gens musclés que je refusais le voyage (« homme libre », liberté de circuler », etc.). Tout ça a duré une bonne demi heure, au terme de laquelle un grand apparatchik en bel uniforme et casquette blanche de chef a donné l’ordre d’embarquer. Comme je refusais toujours, malgré les menaces de quelques-uns, le chef m’a dit que je monterais dans le car «d’une manière ou d’une autre»… Des copains et copines se sont émus de ma décision et ont décidé de rester avec moi ou de me faire changer d’avis. J’ai proposé à tout le monde de monter sans discussion, mais que je continuais à faire ma mauvaise tête…
            Un ami, a voulu rester avec moi, mais deux montagnes l’ont vite embarqué de force. Lorsque tout le monde était à bord, les regards des chefs, sous-chefs, grands chefs et simples brutes me balayaient discrètement : ils semblaient tous, quand même, un peu «emmerdés» par ce vieux clown à cheveux gris qui restait bêtement accroupi sur le trottoir.
            Le grand chef à casquette blanche est alors revenu vers moi et m’a annoncé, méprisant, que puisque je n’étais «pas solidaire de mes camarades», j’avais donc «gagné» : je pouvais aller où bon me semblait… Je lui ai rétorqué (en montrant mes cheveux gris) que j’étais un peu âgé pour gober ces fadaises et que j’étais solidaire des camarades et des raisons qui nous avaient rassemblés ici, à savoir la mémoire des Espagnols qui avaient garanti désormais la liberté des Français… Il a semblé agacé et m’a fait un signe méprisant de la main, avant de partir dans une voiture, téléphone collé à la tempe.
            Un grand gaillard de flic réalisateur m’a longuement filmé (pour la postérité des archives de la préfecture) et le car est parti, me laissant sous la garde un peu éloignée de 7 ou 8 gentils garçons armés et consignés : c’était dérisoire…
            Frank, Antonio et quelques autres, ainsi que des femmes qui avaient assisté à la scène, sont alors venus me rejoindre pour parler comme des conspirateurs (un peu irrités, mais souriants tout de même). J’ai attendu encore une vingtaine de minutes, car des flics restaient encore à proximité et que deux camionnettes venaient d’arriver ; mais comme elles ne m’étaient apparemment pas destinées, je me suis alors levé doucement, prenant congé des amis, et j’ai marché vers le Châtelet. J’ai laissé un  message à une avocate et à divers amis et amies, puis suis rentré m’occuper de ma vieille mère, perdue elle-même dans sa propre mémoire… C’était mon angoisse, la seule : la laisser seule trop longtemps.
            Pendant ce temps, le car de police a fait visiter un peu le Paris du mois d’août à la quinzaine de dangereux commémorants, les distribuant dans les commissariats du 8e et du 9e, pour y être interrogés par des scribes armés, qui semblaient gênés aux entournures… L’un des délinquants étant mineur, aucun policier n’a jugé bon de prévenir un quelconque parent. Un autre gardien de la paix publique a paru estomaqué d’avoir à écrire sur son rapport que la personne assise en face de lui avait un doctorat et lui donnait des leçons d’histoire, citant même De Gaulle, dans son discours fameux de la Libération, où il citait les libérateurs de la France éternelle, oubliant les Espagnols qui, ironie de l’histoire, allaient lui servir d’escorte sur les Champs-Élysées, à bord de leurs half-tracks… Les anarchistes seraient donc cultivés ?
            Tout le monde a été «libéré» dans Paris, libéré lui aussi, ce 25 août 2012. Ils ont malheureusement raté le discours du président de la République française… Et c’est bien triste.
 
Serge Utgé-Royo, traducteur du livre d’Evelyn Mesquida, La Nueve, 24 août 1944, ces républicains espagnols qui ont libéré Paris, le cherche midi, 2011.)   
 
NB – Aucun porteur de drapeau républicain espagnol ne semble s’être intéressé au sort de ces gens emmenés par les gardiens de l’ordre… La mémoire de l’histoire est une chasse gardée.
 
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25.08.12 
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article129636
 
Le 24 août 1944 des blindés de la 2 DB de Leclerc de la Nueve conduits par des Espagnols (…) ?de : Frank MINTZ
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?Le 24 août 1944 des blindés de la 2 DB de Leclerc de la Nueve conduits par des Espagnols (dont des anarchosyndicalistes) sont arrivés à l’Hôtel de ville de Paris, mais le 25 août 2012 des libertaires voulant célébrer leur participation n’ont pas pu passer.
Cette belle formule du camarade Noël d’Alternative libertaire résume l’incident ridicule d’aujourd’hui. Mais il y a d’autres détails cocasses.
Alors que des personnes avec des drapeaux républicains espagnols se recueillaient devant la plaque en l’honneur du capitaine Dronne et de ses soldats et d’une autre en l’honneur des combattants espagnols posé sur un bâtiment de la place de l’Hôtel de ville, d’autres qui arrivaient avec des drapeaux noirs et noirs et rouges ont été aussitôt écartées par la police et conduits à une centaine e mètres, avenue Victoria. Une grosse demi-heure plus tard, la dizaine de personnes étaient embarquées dans un car de police. De façon solidaire, les personnes portant les drapeaux républicains ne firent rien devant l’action policière. Une camarade espagnole alla leur demander d’intervenir en expliquant qu’il s’agissait de marquer avec la solidarité avec les anarchosyndicalistes présents à la 2 DB. Il lui fut répondit qu’il n’y en avait pas. Elle cita le chanteur Serge Utge-Royo qui était avec les anarchistes pour montrer sa réprobation qu’ils soient écartés de l’hommage devant les plaques. On lui répondit que Serge Utge-Royo est communiste et pas anarchiste. Autrement dit la camarade avait rêvé éveillée.
Serge Utge-Royo a été « enchanté » d’apprendre sa nouvelle étiquette politique (de la part d’adeptes attardés du matérialisme historique), lui qui est le traducteur en français du livre La Nueve (Paris, 2011) d’Evelyn Mesquida. Il sait que Germán Arrué et Manuel Lozano, anarchosyndicalistes, étaient dans ses blindés qui sont arrivés les premiers à Paris.
On peut unir aux partisans du matérialisme historique, dans cette évocation de la bêtise, les responsables de la Préfecture de la police et les conseillers socialistes du maire de Paris et sans doute ceux du président de la République qui a prit la parole ce jour sur cette place de l’Hôtel de ville.. Et leur recommander de revoir l’histoire de la libération de Paris et d’apprendre à reconnaître que leur liberté, ils la doivent aussi aux libertaires et à leurs valeurs.
Frank Mintz